Par Jacques Rouillard, Département d’histoire, Université de Montréal
La construction historique née de la Révolution tranquille
Le paradigme du retard représente une idée profondément ancrée dans l’imaginaire des Franco-Québécois depuis la Révolution tranquille, temps fort de notre histoire qui a effacé la représentation du passé que les élites voulaient illustrer dans l’ornementation du Parlement. Il vient d’une lecture pessimiste de l’histoire qui tient non seulement à la problématique nationale, mais à une représentation de l’évolution des valeurs dominantes qui ont guidé la société francophone. En effet, la Révolution tranquille est porteuse d’une image du passé faisant des années 1960 un moment de rupture radicale dans l’histoire du Québec[1]. Elle marquerait le passage de la «grande noirceur» à la modernité, d’une société figée dans le conservatisme à l’adoption de valeurs et d’orientations en accord avec le monde moderne. On imagine la société francophone d’avant 1960 comme une société retardée, dominée par le clergé catholique, monolithique au plan intellectuel et parquée dans l’agriculture, qui ne se réveillerait finalement que très tard avec la Révolution tranquille. «Le Québec fait peau neuve, écrit Fernande Saint-Martin, accueillant après des siècles de retard la philosophie des Lumières…»[2].
Cette vision de l’histoire, qui ne reconnaît pas finalement aux francophones de tradition libérale, moule la pensée de Cité libre dans les années 1950 et devient un des axiomes de la pensée de Pierre Elliott Trudeau pour qui les Canadiens français ont un penchant pour l’autoritarisme et la corruption politique[3]. «Les Canadiens français, écrit-il en 1958, sont peut-être le seul peuple au monde qui «jouisse» du régime démocratique sans avoir eu à lutter pour l’obtenir»[4]. Il reflète alors une opinion largement répandue au Canada anglais voulant que la démocratie soit une valeur innée au monde anglophone et étrangère à la culture francophone. La plupart des intellectuels artisans de la Révolution ne vont pas aussi loin reconnaissant à tout le moins les visées démocratiques des patriotes, mais ils interprètent l’échec des rébellions comme l’épilogue des aspirations libérales et l’enfoncement dans le long «hiver de la survivance» sous l’aile de l’Église catholique[5]. La thèse est reprise récemment par Gérard Bouchard qui réduit les orientations idéologiques des élites bourgeoises jusqu’aux années 1940 aux valeurs issues de la France d’Ancien Régime. Cette orientation serait source «de fragilité, d’insécurité et d’incapacité collective» qui aurait étouffé chez nous le dynamisme propre aux sociétés neuves[6]. Pendant un siècle, le Québec représenterait encore le «vieux monde» dans le «nouveau».
Pourtant, tout un courant historique né dans les années 1970 redécouvre que le libéralisme a fleuri chez les francophones et qu’une faction importante de la bourgeoisie a lutté pour la conquête de la démocratie[7]. Les travaux de Pierre Tousignant ont montré que de nombreux «Canadiens» (francophones) réclamaient de Londres une Chambre d’assemblée élue dès 1784[8]. Cet apport longtemps occulté a été mis en relief lors de la commémoration du bicentenaire de la création du premier parlement en 1992[9]. C’est l’occasion de rappeler que le Québec a une longue tradition démocratique, l’une des plus anciennes du monde occidental. Quant à la lutte des partis canadien et patriote pour l’extension des pouvoirs de la Chambre de 1805 à 1837 (obtention du gouvernement responsable), elle s’inscrit d’abord dans leur volonté d’un contrôle démocratique des institutions politiques avant de viser un contenu culturel ou ethnique. « La lutte politique qui existe en ce pays, écrit Étienne Parent en 1835, n’est pas une lutte de peuple à peuple, d’origine contre origine, mais une lutte entre libéraux et tories, entre réformistes et anti-réformistes, entre le grand nombre qui veut un gouvernement responsable et le petit nombre qui veut un gouvernement irresponsable»[10]. Cette lutte pour la liberté politique est rappelée depuis 2002 par la proclamation officielle d’une Journée nationale des Patriotes en mai de chaque année par le gouvernement du Québec. Elle remplace la fête de Dollard des Ormeaux, officieusement célébrée depuis les années 1920 au Québec en lieu et place de la fête de la Reine.
L’attachement aux valeurs libérales ne s’est pas évanoui avec l’échec des rébellions; il s’est perpétué à travers les réformistes de Louis-Hippolyte La Fontaine qui obtiennent le gouvernement responsable en 1848 sous le régime de l’Union. Heureux de la conquête de l’autonomie politique sur les affaires internes de la colonie, ils s’accommodent cependant de l’injustice criante de la fusion du Bas et du Haut Canada. En effet, les deux entités ont le même nombre de députés malgré la supériorité importante de la population du Bas-Canada. Les réformistes donneront naissance au Parti conservateur de Cartier et Macdonald qui fera des concessions à l’Église catholique (système d’éducation publique, services sociaux), mais qui conserve l’essentiel des valeurs libérales, soutenant la propriété privée, le développement économique et les principes démocratiques incarnés dans le parlementarisme britannique[11]. Au milieu du XIXe siècle, le libéralisme s’exprime aussi de manière plus radicale (républicanisme) à travers le Parti rouge qui graduellement tempère son programme pour se rapprocher de celui du Parti conservateur. Le célèbre discours de Wilfrid Laurier en 1877 sur le libéralisme consacre cette évolution qui reflète l’ascendant du parlementarisme britannique: le Parti libéral incarnera finalement au Canada l’aile whig et le parti conservateur l’aile tory.
Le Parti conservateur domine la vie politique québécoise dans la seconde moitié du XIXe siècle alors que les libéraux remportent haut la main toutes les élections fédérales et provinciales de 1896 jusqu’à l’avènement de l’Union nationale en 1936[12]. Les libéraux, qui gouvernent la province alors qu’elle s’industrialise à grands pas, se font les chantres du développement industriel, appelant de tous leurs voeux les investissements américains[13]. Au plan des idées politiques, ils sont ouverts à la modernité, ayant foi au système démocratique de gouvernement et au parlementarisme britannique[14]. C’est ce que rappelle le premier ministre du Québec, Lomer Gouin, lors d’un voyage à Londres où il lie sa profession de foi aux institutions britanniques à la devise du Québec :
«Let me add that French-Canadians have a long memory. Their motto is “Je me souviens”. Yes, we remember, and we cannot forget that the sceptre borne by our kings as an emblem of sovereignty has never failed to be also for us an emblem of justice and the aegis of our constitutional liberties. And our loyalty in this year 1920 will stand comparison with the loyalty of our forefathers who twice answered the call to arms and helped to save Canada to the British Throne.»[15]
Un des ces moments où les Canadiens français auraient défendu la couronne britannique est la guerre de 1812 où s’est illustré le Colonel Charles Michel De Salaberry, ce qui lui a valu, comme nous l’avons fait remarquer, de figurer parmi les héros qui ornent la façade du Parlement.
Pendant leur long séjour au pouvoir à Québec (près de 40 ans), les gouvernements libéraux défendent du mieux qu’ils peuvent l’autorité de l’État contre les empiétements de l’Église, refusant la soumission de l’autorité civile à l’autorité ecclésiastique. Comme le font valoir Jean Hamelin et Nicole Gagnon, ils opposent «au principe de l’autorité du droit divin, le dogme sacré de la souveraineté du peuple… assumant les idées de progrès, de modernité, de démocratie et d’individualisme»[16]. Le Parti libéral compte continuellement dans ses rangs des intellectuels dits «radicaux» pour lui rappeler qu’il ne doit pas compromettre sa fidélité aux principes libéraux (Honoré Beaugrand, L.-O. David, Godfroy Langlois, T.-D. Bouchard, Edmond Turcotte, etc). Au début du siècle, les intellectuels clérico-nationalistes comme Henri Bourassa ne représentent guère de menace à l’emprise du Parti libéral au Québec[17] et un Lionel Groulx n’a pas du tout l’impression d’occuper le haut du pavé pendant l’entre-deux-guerres. L’éveil national qu’ils prêchent vient précisément de l’autorité, à leur point de vue malsaine, que les élites, notamment les politiciens, exercent sur le Canada français[18]. Le premier ministre Wilfrid Laurier demeure de loin la personnalité la plus renommée parmi les Canadiens français jusqu’à sa mort en 1919.
Pour influencer la population, les grands partis traditionnels peuvent compter sur un vaste éventail de journaux hebdomadaires qui leurs sont dévoués dans toutes les régions du Québec. De plus, à partir du début du XXe siècle, le parti libéral peut compter sur la grande presse quotidienne dont les tirages sont considérables (La Presse, La Patrie, Le Soleil, etc) de même que sur Le Canada (1903-1952), un quotidien d’opinion qui fait contrepoids au Devoir avec une orientation bien différente[19]. L’analyse de ces journaux montre qu’ils défendent les institutions démocratiques, sont ouverts à la modernité et aspirent au progrès par le développement industriel[20]. Comme les politiciens de l’époque, ils ont en haute estime la monarchie constitutionnelle britannique et professent une foi profonde dans l’avenir du Canada. C’est plutôt court que de ramener leurs aspirations démocratiques au contrôle du patronage ou à de l’aplatventrisme envers la majorité anglophone.
L’histoire du Canada français de 1840 à 1940 ne se résume pas aux seules forces cléricales et nationalistes. La bourgeoisie qui domine la vie politique et dont les assises reposent également dans le domaine des affaires est porteuse d’un libéralisme qui représente un contrepoids significatif à l’influence cléricale[21]. Elle articule un projet de société autonome et interprète à sa façon l’expérience du Canada français.
C’est ce que Eugène Taché veut illustrer dans la décoration du Parlement, le choix des personnages de la façade et l’inscription de la devise. Son choix correspond aux idéaux de la classe politique de son temps. C’est un membre éminent de la bourgeoisie canadienne-française satisfaite à l’époque du compromis social avec les autorités religieuses et du compromis politique qui, avec la Confédération, a permis la création de la province de Québec en 1867. Ces élites sont enchantées de l’égalité politique obtenue dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et elles développent une vision pancanadienne de l’avenir du Canada français. On est loin de la représentation pessimiste qui leur est souvent attribuée comme acteurs et complices de l’idéologie de la survivance, traumatisées par la défaite de 1759 et par l’échec des rébellions de 1837-1838. Leur imaginaire s’alimente à bien d’autres sources que les «mythes dépresseurs»[22] ou «l’histoire victimaire»[23], cultivant au contraire une vision glorieuse de l’histoire du Canada français. Ce n’est pas l’image que la mémoire collective issue de la Révolution tranquille a conservé de cette bourgeoisie, mais c’est cette représentation, à notre avis, que Taché a voulu incarner dans le Parlement et dans la mémoire qu’évoque la devise du Québec.
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Contrairement à d’autres devises, le «Je me souviens» laisse grande place à la subjectivité. Il fait appel à la mémoire de chacun, ce qui peut assurément entraîner de la confusion et une grande disparité d’opinion comme l’atteste le film de Le Brun. En revanche, la devise a le mérite de s’adapter mieux que tout autre devise à la mouvance changeante des valeurs de la société. Faire appel à la mémoire, constate Annette Wieviorka, se réfère au passé tout en s’adressant au présent : «La mémoire, c’est le fait qu’une collectivité se souvienne de son passé et cherche à lui donner une explication au présent et à lui donner un sens»[24]. La mémoire, pourrait-on en déduire, représente un passé recomposé par le présent, faite d’oublis et d’une sélection d’événements.
Le film de Le Brun montre que la mémoire de la devise du Québec se trouve fortement colorée par le présent. Sa signification première, dont nous avons relevé les paramètres dans ce texte, est tombée dans l’oubli. Elle s’est effacée largement de notre souvenir parce que les valeurs qu’Eugène Taché voulait mettre en relief ne correspondent plus à la représentation du passé qui domine de nos jours. Le «Je me souviens» est devenu une mémoire perdue même si les Québécois et Québécoises en ont l’inscription sous les yeux tous les jours.
Dans ce texte, nous avons essayé de retrouver le sens premier que Taché a donné à la devise. Elle nous apparaît finalement comme un texte d’introduction au lieu de mémoire que constitue l’Hôtel du Parlement. Elle annonce que le bâtiment, qui est au centre de notre vie politique, est consacré à faire revivre l’identité du Québec à travers son histoire. Le Parlement devient alors la clef pour comprendre la signification de la devise. Tant dans la dimension symbolique de son ornementation générale que par les héros retenus dans la façade, il veut rappeler à notre mémoire un triple héritage.
D’abord, Taché veut mettre en relief le caractère distinct du Québec par ses origines françaises, et de là l’importance de conserver la langue et la culture françaises[25]. C’est cette dimension qui, encore de nos jours, est le plus souvent associée à la devise et elle a influencé la décision du gouvernement du Parti québécois, aussitôt arrivé au pouvoir, de l’inscrire sur les plaques d’immatriculation du Québec. Prise au Conseil des ministres et sans que l’on se soit interrogé plus avant sur sa signification, la décision vise à rappeler l’histoire et les origines du Québec en faisant appel à un de ses symboles principaux[26]. Elle remplace l’inscription «La Belle Province», jugée superficielle et trop proche de la manière nord-américaine de manifester son originalité sur les plaques d’immatriculation.
Le deuxième héritage que Taché et les gouvernements veulent évoquer dans le décor du Parlement porte sur les conquêtes démocratiques de la chambre d’assemblée en 1791 et du gouvernement responsable en 1848. C’est une dimension perdue dans notre mémoire depuis la Deuxième Guerre environ alors que notre représentation du passé se confond presque uniquement avec le seul courant clérico-conservateur. Cette interprétation issue des artisans de la Révolution tranquille refuse à la bourgeoisie francophone un projet de société autonome et associe ses objectifs à ceux du monde clérical. Les valeurs libérales issues de la modernité, croit-on, n’auraient pas vraiment touché l’esprit des Franco-Québécois avant les années 1950 et 1960[27]. Cette explication nous apparaît trompeuse puisque la classe politique valorise les libertés et la démocratie et en défend le territoire contre les assauts du pouvoir clérical depuis le XIXe siècle. Le Parlement, lieu de la démocratie en action, rend compte de la lutte des Québécois pour l’établissement du parlementarisme et de leur attachement aux valeurs démocratiques.
Enfin, Taché est soucieux de rendre hommage à la Couronne et au système politique britanniques qui ont apporté la démocratie et permis la sauvegarde et le développement du Canada français. Cet attachement peut nous apparaître étonnant de nos jours car l’image de la monarchie britannique a bien changé au Québec au cours des dernières décennies. Depuis la montée du nationalisme québécois dans les années 1960, la souveraine apparaît comme le symbole de la colonisation et de la domination des Franco-Québécois. On peut être certain que la célébration du quatrième centenaire de la ville de Québec en 2008 ne comprendra pas d’invitation à la Reine Élizabeth II ou au prince de Galles comme en 1908. Non seulement le sens de l’héritage britannique s’est-il perdu dans notre mémoire, mais il en est venu à acquérir une signification tout à fait contraire à celle qui a animé pendant longtemps les élites politiques canadiennes-françaises.
Le sens original de la devise du Québec qui se trouve dans le mémorial du Parlement est un bel exemple de la mémoire changeante et perdue des collectivités nationales. Comme nous l’avons montré, la devise est une construction de la mémoire qui reflète les valeurs de la bourgeoisie canadienne-française de la fin du XIXe siècle. Elle appelle au souvenir d’un passé qui affirme la francité du Québec tout en témoignant de la gratitude à l’égard de la britannité de ses institutions qui auraient permis l’avènement de la démocratie, une certaine autonomie politique pour le Québec et l’épanouissement du Canada français. On veut ainsi se distinguer de l’Autre (Grande-Bretagne, Canada anglais) tout en lui rendant grâce pour sa libéralité. Cette vision du passé peut apparaître de nos jours comme illusoire et surannée, mais elle est inscrite dans l’ornementation du Parlement et inspire le sens initial de la devise du Québec. Cette mémoire s’est effacée de notre conscience collective, mais il y a dans l’appel au souvenir du «Je me souviens» des éléments qui conservent encore une résonance positive pour le Québec: la fierté des origines françaises et la lutte pour la démocratie. Et la maturation du nationalisme franco-québécois pourrait permettre également d’y reconnaître aussi, à travers sa britannité, la contribution des Anglo-québécois à la construction et au développement du Québec. On reviendrait ainsi d’assez près au sens premier que Taché voulait donner à la devise.
Il n’est donc pas besoin d’aller bien loin pour trouver des symboles de convergence, porteurs de mythes fondateurs du Québec qui allient les origines françaises du Québec à la contribution des Anglo-Québécois et même des autochtones. La devise et au delà, l’Hôtel du Parlement, représentent ces symboles qui rendent compte de la diversité du Québec et illustrent également ses aspirations démocratiques. Il n’est donc pas nécessaire de réécrire l’histoire nationale pour intégrer ses valeurs; il ne s’agissait que d’en révéler une des facettes oubliées dans le grand brassage mémoriel de la Révolution tranquille.
[1]. Cette interprétation est surtout le fait de sociologues dont les travaux reposent sur une recherche historique bien mince (Jean-Charles Falardeau, Fernand Dumont, Marcel Rioux, Jacques Dofny, Guy Rocher et Hubert Guindon, etc). Ils subissent alors l’influence de sociologues américains de l’École de Chicago qui adhèrent à la théorie du passage de la société traditionnelle à la société moderne. Leur thèse est articulée dans un contexte «d’impatience» envers le duplessisme et le conservatisme ambiant. Voir Fernande Roy, Progrès, harmonie, liberté. Le libéralisme des milieux d’affaires francophones à Montréal au tournant du siècle, Montréal, Boréal, 1988, p. 11-43; J. Rouillard, «La Révolution tranquille: Rupture ou Tournant», Revue d’études canadiennes/Journal of Canadian Studies, 32, 4 (hiver 1998), p. 23-51; Jocelyn Létourneau, «La production historienne courante portant sur le Québec et les rapports avec la construction des figures identitaires d’une communauté communicationnelle», Recherches sociographiques, 36, 1 (1995), p. 9-17.
[2]. Fernande Saint-Martin, «Les nouveaux intellectuels», dans Robert Comeau (dir.), Jean Lesage et l’éveil d’une nation, Montréal, PUQ, 1989, p. 255.
[3]. Voir Michael D. Behiels, Prelude ot Quebec’s Quiet Revolution. Liberalism versus neo-nationalism, 1945-1960, Kingston/Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1985, p. 220-238.
[4]. Pierre Elliiott Trudeau, «De quelques obstacles à la démocratie au Québec», dans Le fédéralisme et la société canadienne-française, Montréal, HMH, 1967, p. 107.
[5]. Fernand Dumont, Genèse de la société québécoise, Montréal, Boréal, 1993, p. 326.
[6]. Gérard Bouchard, Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde, Montréal, Boréal, 2000, p. 156.
[7]. Yvan Lamonde se fait fort de relever la trajectoire du libéralisme au Québec et de critiquer le courant d’interprétation qui ignore l’héritage démocratique des Franco-Québécois (Trajectoires de l’histoire du Québec, Montréal, Fides/Musée de la civilisation, 2001, 44p.) Plusieurs travaux ont tendance à réduire les visées démocratiques des politiciens au contrôle du patronage et à partager finalement le mépris que les élites cléricales ont entretenu à l’égard de la classe politique.
[8]. Pierre Tousignant, La genèse et l’avènement de la Constitution de 1791, thèse de Ph. D., département d’histoire, Université de Montréal, p. 447-459 et «Problématique pour une nouvelle approche de la constitution de 1791», Revue d’histoire de l’Amérique française, 27, 2, septembre 1973, p. 187.
[9]. 1791?1792, La démocratie naissante au Québec, Québec, Bicentenaire des institutions parlementaires du Québec, 1992, 100 p.; John Hare, Aux origines du parlementarisme québécois, Québec, Septentrion, 1993, 314p.
[10]. Parent est directeur du journal Le Canadien de 1831 à 1842 (Le Canadien, 19 juin 1835 dans Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées…, p. 269).
[11]. Marcel Hamelin fait remarquer que pendant les dix premières années qui suivirent la Confédération les débats de l’Assemblée législative sont essentiellement orientés vers les problèmes économiques de la province, notamment la construction de chemins de fer (Les premières années du parlementarisme québécois (1867-1878), Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1974, p. 343). Aussi Jacques Monet, «Les idées politiques de Baldwin et LaFontaine» et Jean-Charles Bonenfant, «Les idées politiques de George-Étienne Cartier», dans Marcel Hamelin (dir.), Les idées politiques des premiers ministres du Canada, Ottawa, Editions de l’Université d’Ottawa, 1969, p. 11-50; Fernande Roy, Histoire des idéologies au Québec aux XIXe et XXe siècles, Montréal, Boréal, 1993, p. 56-60; Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées…, p. 483-493.
[12]. L’Union nationale, nouveau parti né 1935 dans le sillage de la crise économique, véhicule un programme de renouveau différent de celui des deux grands partis traditionnels. Il emprunte en partie au courant clérical en mettant de l’avant le corporatisme, le retour à la terre, la répression contre le socialisme et une virulente critique de l’entreprise monopolistique. En revanche, le Parti libéral qui lui succède de 1939 à 1944 adopte des politiques éminemment progressistes qui annoncent celles qui guideront l’équipe de Jean Lesage au début des années 1960 (Voir Jacques Rouillard, «Duplessis: le Québec vire à droite», dans Alain-G. Gagnon, Duplessis: Entre la Grande Noirceur et la société libérale, Montréal, Québec Amérique, 1997, p. 183-206).
[13]. Paul-André Linteau et al., Histoire du Québec contemporain. De la Confédération à la crise (1867-1929), Montréal, Boréal, 1979, p. 557, 574-587; Yves Roby, Les Québécois et les investissements américains (1918-1929), Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1976, 250p.; Bernard Vigod, Taschereau, Québec, Septentrion, 1996, 392p.
[14]. Jean Hamelin et Nicole Gagnon, Histoire du catholicisme québécois, Le XXe siècle, tome 1, 1898-1940, Montréal, Boréal Express, 1984, p. 233-236; Réal Bélanger, «Le libéralisme de Wilfrid Laurier: évolution et contenu (1841-1919)», dans Yvan Lamonde (dir.), Combats libéraux au tournant du XXe siècle, Montréal, Fides, 1995, p. 52-72; Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées au Québec, 1896-1929, Montréal, Fides, 2004, p. 193-227.
[15]. The Canadian Gazette, 13 mai 1920, Archives nationales du Canada, Fonds Lomer Gouin, MG 27, III, B4, vol. 9.
[16]. Jean Hamelin et Nicole Gagnon, Histoire du catholicisme québécois…, p. 235. Pour se rendre compte du pouvoir et de l’autonomie de la classe politique depuis l’avènement de la Confédération jusqu’en 1945, rien ne vaut la lecture de la monumentale Histoire de la province de Québec de Robert Rumilly en 52 tomes. Le peu d’intérêt porté à l’histoire politique du Québec depuis quelques années a contribué à occulter l’importance et l’autonomie du projet politique de ce groupe.
[17]. Les succès de Bourassa dans l’arène politique comme candidat indépendant sont bien mitigés. Aux élections provinciales de 1907, il est battu et ne remporte celles de 1908 que par 42 voix. Il est élu au Parlement fédéral en 1925, 1926 et 1930 (par acclamation), mais perd en 1935.
[18]. Robert Rumilly, Henri Bourassa. La vie publique d’un grand canadien, Montréal, Éditions de l’Homme, 1953, p. 341-342; Jean-Pierre Gaboury, Le nationalisme de Lionel Groulx. Aspects idéologiques, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1970, p. 142-143; Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées au Québec, 1896-1929, p. 23-25.
[19]. En 1920, par exemple, les grands quotidiens proches du Parti libéral ont une pénétration importante : La Presse: 146 581 copies vendues; La Patrie: 27 716; Le Soleil: 42 492; Le Canada: 15 500. Pour leur part, Le Devoir doit se contenter de vendre 14 520 copies chaque jour et L’Action catholique de Québec, 22 000 (Audit Bureau of Circulation, dans Canadian Almanach and Directory, 1921, p. 364-365).
[20]. Voir Ralph Heintzman, The Struggle for Life. The French Daily Press and the Problems of Economic Growth in the Age of Laurier: 1896-1911, Ph. D. (histoire), York University, 1977, 680p.; Yves Roby, Les Québécois et les investissements américains…, 250p.; Claude Couture, La presse libérale au Québec entre 1929 et 1935. Analyse de contenu de la Presse, du Soleil et du Canada, thèse de doctorat (histoire), Université de Montréal, 1987, 430p.; Claude Couture, Le mythe de la modernisation du Québec, Montréal, Méridien, 1991, 149p. Malgré leur tirage important, les études sur ces journaux sont bien moins nombreuses que sur la presse clérico-conservatrice. De même, on ne compte plus les analyses de l’Action canadienne-française de Lionel Groulx alors que je n’en connais aucune sur La Revue canadienne (1864-1922), revue destinée aussi au milieu intellectuel et dont les orientations se rapprochent du courant libéral. L’insistance à étudier à peu près uniquement le courant clérico-conservateur renforce l’image de monolithisme idéologique du Canada français.
[21]. Nous avons développé cette thèse en la liant au processus d’industrialisation et d’urbanisation qui s’effectue au Québec au même rythme que l’Ontario («La Révolution tranquille…, p. 23-51).
[22]. Gérard Bouchard, Genèse des nations…, p. 82.
[23]. Jocelyn Létourneau et Sabrina Moisan, «Mémoire et récit de l’aventure historique du Québec chez les jeunes Québécois d’héritage canadien-français: coup de sonde, amorce d’analyse des résultats, questionnement», The Canadian Historical Review, 85, 2 (juin 2004), p. 342.
[24]. Annette Wievrka, Sur la transmission de la mémoire de la déportation, Paris, 18 mars 1999 (http://users.skynet.be/pierre.bachy/Shoah.html).
[25]. À noter dans ce but l’immense tableau de Charles Huot peint de 1910 à 1913 au dessus du fauteuil du Président de l’Assemblée nationale. Il illustre la reconnaissance de la langue française à la première séance de l’Assemblée législative du Bas-Canada, le 21 janvier 1793.
[26]. Entretien avec Lucien Lessard, alors ministre des Transports du gouvernement du Québec, 17 septembre 2002.
[27]. On ne peut s’empêcher de faire remarquer que les canaux privilégiés finalement par les artisans de la Révolution tranquille pour insuffler un souffle démocratique au Québec sont les mêmes qui ont toujours pesé en ce sens au Québec : le Parti libéral du Québec sous l’administration de Jean Lesage et le Parti libéral du Canada sous l’influence des «Trois colombes». Ces artisans du changement, qui veulent propulser le Québec dans la modernité, n’ont pas conscience d’avoir des devanciers. Leur action leur apparaît comme une rupture radicale dans l’histoire du Québec et les valeurs dont ils font la promotion seraient sans racines historiques dans la société francophone.