Le parcours étonnant de René Lévesque
1922
Enfance gaspésienne
Né le 24 août, il passe une enfance heureuse à New Carlisle, village gaspésien majoritairement anglophone. Élève brillant et lecteur boulimique, il fait ses études classiques au Séminaire de Gaspé puis, à partir de 1938, au Collège des Jésuites Saint-Charles Garnier de Québec.
À l’été de ses 13 ans, il fait ses débuts dans le journalisme radio. Son père lui obtient un poste de traducteur de dépêches à la radio CHNC de New Carlisle. Il remplace aussi l’annonceur régulier parti en vacances. A 20 ans, il refait de la radio à Québec à titre de temporaire du temps de guerre aux stations de CKCV et de CBV (Radio-Canada) jusqu’en 1944.
Il naît à l’hôpital de Campbellton au Nouveau-Brunswick qui est le plus proche de son village. Son frère aîné étant mort à la naissance, ses parents Dominique Lévesque et Diane Dionne veulent éviter le risque d’un accouchement à la maison. Le couple aura ensuite trois autres enfants : Fernand, André et Alice.
1944
Voix de l’Amérique
Parfaitement bilingue, il est recruté par l’Office of War Information de l’armée américaine. Il se rend à Londres en mai 1944 pour joindre le Bureau français de la radio Voice of America qui diffuse, dans 27 langues, information et propagande vers les pays occupés. En février 1945, il traverse la manche pour couvrir l’avance des troupes alliées en rapportant les combats à la radio et dans des périodiques français et américains.
En février 1945, quittant Londres sous les bombardements des V2 allemands, il commence son odyssée militaire à Paris qui le mène en l’Alsace, en Autriche, en Italie et dans le sud de l’Allemagne où il découvre, en avril, dans les environs de Munich, l’horreur du camp de concentration de Dachau.
Au retour de la guerre, il entre au Service international de Radio-Canada comme speaker attitré au programme quotidien La Voix du Canada. Dans la dizaine d’année qui suit, il couvre pour différentes émissions de nombreux événements importants dans le monde dont l’un des moments forts est la guerre de Corée en 1951. Le côté humain de ses reportages est très apprécié des auditeurs.
1956
Point de mire
De 1956 à 1959, René Lévesque anime l’émission Point de mire qui sera le point culminant de sa carrière journalistique. Dans ses mémoires, il évoque ces années avec plaisir : Tout compte fait, ce fut l’une des périodes les plus trépidantes et les plus enrichissantes de ma vie.
En 1953, il est nommé chef de reportages à la radio de Radio-Canada. Il crée avec Judith Jasmin l’émission quotidienne Carrefour consacrée à l’actualité. Devenu pigiste en 1956, il collabore aussi à des revues intellectuelles comme Cité libre et La Revue Moderne et à l’émission Ce qui se brasse à CKAC.
La longue grève des réalisateurs français de Radio-Canada en 1959 marque un tournant majeur qui l’amène à la politique. Constatant le peu de pouvoir des Canadiens-français au sein du Gouvernement fédéral, il exprime de plus en plus ses positions nationalistes. Son appui aux grévistes se manifeste par des interventions publiques où il se révèle être un orateur exceptionnel.
1960
La seule énergie québécoise
Élu le 22 juin sous la bannière du Parti libéral, il fait parti de l’Équipe du tonnerre de Jean Lesage, devenant ainsi un acteur central de la Révolution tranquille. Comme ministre des Richesses naturelles (1961 à 1966), il préside à la nationalisation des compagnies d’électricité et à l’expansion d’Hydro-Québec qui devient d’un coup l’une des plus grosses entreprises du monde dans le domaine de l’énergie.
La décision de nationaliser l’électricité est prise à l’automne 1962 lors d’une réunion secrète des libéraux au Lac à l’Épaule (l’expression est née de cette rencontre). On y décide également de déclencher des élections anticipées sur cet enjeu. Durant la campagne électorale, avec son tableau noir, sa carte géographique et sa cigarette au bec, René Lévesque fait le tour du Québec pour convaincre les Québécois que cette nationalisation est nécessaire pour être enfin Maîtres chez nous!.
Entre 1966 et 1976, tout en étant député (jusqu’en 1970), président d’un nouveau parti (à partir de 1968) et candidat à trois élections (1970, 1973 et 1976), il écrit plus de 1400 chroniques publiées dans le Dimanche-matin, Le Clairon de Saint-Hyacinthe, Le Journal de Montréal et Le Jour.
1968
Le Parti Québécois
Le 14 octobre 1967, il quitte avec fracas le Parti libéral qui rejette férocement son idée d’un Québec souverain dans une nouvelle union canadienne. Un mois plus tard, il fonde le Mouvement Souveraineté-Association (MSA) afin d’unir les forces indépendantistes. L’année suivante, quelque 1000 délégués enthousiastes se réunissent en congrès du 11 au 14 octobre 1968 à Québec pour fonder le Parti Québécois dont il devient le premier chef.
En janvier 1968, il publie Option Québec, un manifeste pédagogique qui présente son programme d’action politique, la Souveraineté-Association, proposant de faire l’indépendance politique du Québec tout en négociant, d’égal à égal, une union économique avec le reste du Canada. En quelques semaines, le livre est vendu à plus de 50 000 copies.
Aux élections de 1970, le Parti Québécois obtient 23 % des votes avec 7 députés. En 1973, le parti devient l’opposition officielle avec 30 % du vote, mais seulement 6 députés. À chaque fois, René Lévesque est défait dans sa circonscription.
1976
La victoire
« Je n’ai jamais pensé que je pourrais être aussi fier d’être Québécois que ce soir! » déclare-t-il devant une foule en liesse lors de la première victoire électorale du Parti Québécois qui remporte, le 15 novembre, 71 des 110 circonscriptions.
Considéré comme l’un des meilleurs que le Québec ait connu, le Gouvernement Lévesque réalise plusieurs réformes majeures et durables à commencer par la loi 101 et la Charte de la langue française et celle, dont il était très fier, régissant le financement des partis politiques.
Les autres principales lois du Gouvernement Lévesque portent sur l’assurance automobile, la protection du consommateur, la protection de la jeunesse, la protection du territoire agricole, l’accès aux documents publics et la protection des renseignements personnels. Notons aussi l’instauration des congés de maternité et des dispositions anti-briseurs de grève, la création du ministère de l’Environnement, des ZEC, de la Sépac et du BAPE, de même que la reconnaissance des Premières Nations du Québec.
1980
À la prochaine fois
Le 20 mai, le soir de la défaite crève-cœur du premier référendum sur la souveraineté avec 40 % de oui, René Lévesque déclare : « Si j’ai bien compris, vous êtes en train de dire, à la prochaine fois. »
Aux élections d’avril 1981, le Parti québécois sera reporté au pouvoir avec 80 sièges et près de 50 % des voies. Cette élection marque la polarisation de la politique québécoise entre les souverainistes du PQ et les fédéralistes du PLQ.
Lors de la nuit des longs couteaux du 4 au 5 novembre 1981, il se sentira profondément trahi par les premiers ministres des 7 provinces qui renient leurs signatures. Ces derniers concluent une entente avec le Gouvernement de Pierre E. Trudeau visant à réformer la Constitution canadienne sans l’adhésion du Québec.
1985
Partir
Après neuf ans de pouvoir et face à la division au sein de son parti sur la question de l’option indépendantiste, il démissionne de son poste de premier ministre et retourne au journalisme.
En 1984, il prend le « beau risque » de collaborer avec le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney pour réformer le fédéralisme en incluant le Québec. Priorisant la souveraineté, plusieurs ministres importants, dont Jacques Parizeau et Camille Laurin, s’opposent et démissionnent.
Un an après son retrait de la vie politique, en 1986, il publie son autobiographie « Attendez que je me rappelle… »
1987
Héritage
Terrassé par un arrêt cardiaque, René Lévesque décède le 1er novembre 1987, laissant dans le deuil son épouse, Corinne Côté-Lévesque, et ses trois enfants nés d’un premier mariage avec Louise L’Heureux : Pierre, Claude et Suzanne. À ses funérailles nationales, plusieurs milliers de Québécois vont lui rendre hommage. Félix Leclerc dira que « la première page de la vraie histoire du Québec vient de se terminer ».
Plus de 30 ans après son décès, les deux tiers (63 %) des Québécois pensent que René Lévesque a été le premier ministre le plus marquant de l’histoire. Il demeure l’un des premiers ministres les plus connus (89 %) et celui dont les Québécois ont la meilleure opinion (78 %).
« On n’est pas un petit peuple, on est peut-être quelque chose comme un grand peuple! »
15 novembre 1976