René Lévesque
Dimanche-Matin
25 décembre 1966
Les enfants déballent leurs étrennes. Attendris et somnolents, les parents achèvent en les regardant de digérer le réveillon. Un peu partout, pauvre, moyen ou somptueux, c’est un climat qui ressemble au bonheur. Chose certaine, c’est le jour de l’année où il y a derrière les volets le plus de bonnes consciences. On a donné quelque chose, si peu que ce soit, à la guignolée ou à la Saint-Vincent-de-Paul, au facteur ou à la vendeuse. On a donné à tout le moins d’innombrables poignées de mains. On a envoyé des cartes.
Est-il de mauvais goût de se rappeler qu’il y a deux jours seulement les dépêches nous parlaient de la plus effrayante des barbaries? Celle qui sévit au Vietnam, sur cette même terre des hommes. Celle qui est soumise, au prix d’une dégradation peut-être incurable de leur âme nationale, par nos voisins les États-Unis. Et dont nous, citoyens d’un triste satellite, sommes depuis dix ans les complices et même – grâce aux miettes d’un gigantesque effort de guerre qui nous font de plantureux contrats – les parasites.