Chronique de René Lévesque parue dans La Revue moderne en novembre 1959 dans le cadre d’une série intitulée «La terre est ronde».
– Ça pas de bon sens, disait le vendeur à la jeune fille aux grands yeux admiratifs, v’là les Russes qui sont rendus sur la lune à c’te heure!
Et tout en me remettant d’une main distraite mon journal de fin de semaine, il continuait à émerveiller son charmant public en faisant voir que les exploits soviétiques n’avaient pas de secrets pour lui…
C’était un soir de la mi-septembre, deux ou trois jours avant l’arrivée de Kroutchef aux États-Unis. En première page, les gros titres chantaient la gloire de Lunik No. 2, la fusée qui venait de précipiter sur notre lointain (et brusquement si proche) compagnon de route la faucille et le marteau.
Mon vendeur de la Côte-des-Neiges n’était pas plus impressionné que son confrère de Piccadilly ou de Times Square, que l’homme de la rue de Paris ou de Rio. Ah! ces Russes, tout de même! C’était effectivement plus que sensationnel, historique. Comme l’envol du Spoutnik inaugural en ‘57, puis l’odyssée de la chienne Laika, et plus récemment Lunik No. 1 manquant la cible et s’en allant, première planète artificielle, tourner à jamais autour du soleil.
Là-bas, la foule moscovite de jubiler. La radio avait interrompu ses émissions : « À minuit deux minutes et vingt-quatre secondes, notre deuxième fusée cosmique a atteint la surface de la lune. » Dans les rues et les squares autour du Kremlin, dans les allées le long de la Moskova, les gens qui avait passé la soirée à contempler la face ronde et blafarde du satellite faisaient mine d’y apercevoir maintenant une minuscule tâche sombre : la sphère métallique de 860 livres « alunissant » aux environs des mers de la Sérénité et de la Tranquillité – deux noms que justifie l’absence de toute humanité. Ça ne sera plus très long, maintenant, qu’il va sans doute falloir les changer!…
En attendant, Moscou triomphait. M. Kroutchef allait emporter dans ses bagages une miniature de Lunik pour ce pauvre Ike qui serait bien obligé de s’extasier, et il allait rassurer avec une gentillesse assez mordante les Américains qui, déjà, s’inquiétaient d’une prise de possession communiste :
– Mais non, ces craintes sont inspirées par le sens excessif de la propriété privée que développe le climat capitaliste! Le mien, le tien… Nous, nous disons toujours : le nôtre… Et ce succès est donc notre gain à tous, et la lune continuera d’être propriété commune – et non pas communiste!…
Rien comme une fusée qui arrive à bon port pour vous donner de l’aplomb et mettre les rieurs de votre côté! De nouveau, savants et techniciens soviétiques avaient devancé leurs concurrents des États-Unis.
– Quand nous nous serons enfin décidés à fournir l’effort qui s’impose, grondait von Braun, inventeur hitlérien du V-2, devenu le cerveau de l’astronautique américaine, il sera trop tard et nous serons accueillis sur les routes interplanétaires par des douaniers russes!
Les Britanniques, qui ont le fair-play absolument impeccable… quand ils ne sont pas dans la course, applaudissaient à tout rompre. D’autant plus bruyamment que, dans leur for intérieur, ils jouissent tout doucement de ces déconfitures cosmiques qui sont en train de knockouter la superbe outrecuidance du « know-how » américain.
À Paris, on n’en continuait pas moins à se dépenser fiévreusement à la mise au point d’une première bombe atomique made-in-France. « On la veut, écrivait le Canard Enchaîné, parce qu’on ne l’a pas; dès qu’on l’aura, on ne la voudra plus! » Quatorze ans après les USA, dix ans après l’URSS, on tenait mordicus à réaliser ce stérile symbole de grandeur, au moment même où Lunik démontrait qu’il ne pourrait plus être question de s’en servir.
Car si Spoutnik a prouvé il y a deux ans que les Soviets possédaient de puissants projectiles intercontinentaux, la fusée lunaire, elle, soulignait la précision meurtrière de leur tir. Au bout d’un trajet de 236,000 milles, un écart d’à peine 250 milles de l’objectif visé : pour un vol intercontinental de 5,000 milles l’erreur ne serait plus que de 5 à 6 milles. Une bombe à hydrogène à 6 milles du centre, et adieu New-York ou Chicago ou Détroit – ou Montréal…
L’équilibre de la terreur, annoncé par le vieux Churchill, est désormais d’une évidence aveuglante. La Russie n’a plus à craindre aucune défaite militaire. Aucun pays ne peut plus rien espérer d’une guerre totale.
« Nous allons vous enterrer… »
Comme le monde reste quand même divisé en deux camps, il faut se résigner à une co-existence plus ou moins pacifique. Les années qui viennent assisteront à une compétition de plus en plus serrée entre les deux systèmes. On va se disputer férocement l’hégémonie politique et économique. Qui l’emportera? Nous, bien sûr, nous autres les Occidentaux. Bien sûr, mais à condition tout de même d’en douter suffisamment pour ne pas faire comme la tortue de la fable.
– Nous allons vous enterrer, nous a dit Kroutchef. C’est le communiste qui supplantera inévitablement le capitaliste, comme celui-ci jadis a pris la place du féodal. Tout ce que vous produisez, nous sommes également capables de le produire. Dans certains secteurs nous vous dépassons déjà, et dans les autres nous aurons tôt fait de vous rejoindre!
Le gros homme dur et jovial ne parle et ne rêve que de production. Chaque année, dit-il, nous « sortons » 106,000 ingénieurs nouveaux, trois fois plus qu’en Amérique. D’ici quelque temps, nous produirons plus de viande que vous, plus de beurre, plus de maïs… Comme tout son régime, il est visiblement possédé par l’unique souci de l’efficacité technique, de l’abondance matérielle. Les fils des moujiks, qui se sont donné des arsenaux nucléaires et des fusées cosmiques tandis qu’ils manquaient encore d’eau courante dans la maison, sont dévorés maintenant par une fringale de confort et de bien-être, Lénine a été le prophète de la Révolution, Staline, l’artisan impitoyable de la grande expansion, et Kroutchef, lui, se voit comme le distributeur des bienfaits du système.
– Le marxisme-léninisme, aime-t-il à répéter, rentre mieux dans la cervelle s’il est accompagné d’une bonne tranche de pain pour l’estomac, et mieux encore si le pain est beurré!
Pain et beurre s’améliorent sans cesse depuis qu’il est au pouvoir, et aussi le climat dans lequel on les consomme. La bouchée ne risque plus de rester prise dans la gorge quand ça frappe à la porte, comme au temps de la terreur stalinienne. La Sibérie n’est plus l’enfer des déportés mais la frontière magique des pionniers, comme l’Ouest américain au siècle dernier. Le Kremlin est devenu attraction touristique, les autos se multiplient assez vite pour qu’on appréhende les embouteillages et, au bout de la Place Rouge, Goum, le Dupuis Frères de Moscou, a commencé à vendre des bas nylon…
C’est encore loin, très très loin de se comparer avec le niveau de vie nord-américain. Plus de 200 millions de Russes n’ont pas encore autant d’appareils de télévision que 17 millions de Canadiens. Dans tout le grand Moscou métropolitain, on ne trouve – quand on parvient à les dénicher – qu’une poignée de postes d’essence. Le prix de la plupart des biens de consommation ne descend qu’avec lenteur de sommets véritablement astronomiques.
Mais c’est déjà, en quelques brèves années, bien mieux que naguère, infiniment mieux qu’autrefois. Surtout, ça progresse constamment. Il n’y a plus d’illettrés, l’enseignement demeure gratuit à tous les niveaux, maladie et vieillesse sont parfaitement « couverts », et la planification totale de l’économie a éliminé le chômage.
Et Kroutchef est convaincu que, s’il parvient à égaler le confort matériel des Américains après les avoir rattrapés dans les secteurs les plus spectaculaires de la recherche scientifique et de la technique militaire, le triomphe du communisme sera automatiquement assuré.
– En 1917, a-t-il déclaré, quand votre monde capitaliste avait déjà pris le départ depuis longtemps, nous étions encore des primitifs. En deux générations, nous avons avancé au point de vous talonner dans tous les domaines. Bientôt, c’est vous qui mangerez notre poussière!
Ces imperturbables certitudes du Kroutchef de ‘59 peuvent faire sourire. Il est facile de n’y voir qu’une arrogance de parvenu. Et d’oublier qu’elle trahit plutôt le dynamisme terrifiant de l’homme qui a le vent dans les voiles, qui est absolument sûr d’être en plein dans le courant de l’Histoire.
Pour sentir comme le monde occidental a vraiment de se grouiller, on n’a qu’à se rappeler quelques impressions de 1955, il y a à peine quatre ans…
Quand ils avaient honte
Automne ‘55. Staline était mort depuis ‘53, mais Moscou était encore une ville sombre, austère, passablement méfiante. Nous y étions, plusieurs journalistes canadiens, dans le sillage de M. Lester Pearson, alors ministre des Affaires Extérieures et premier leader occidental à franchir le fameux Rideau au moment de la détente fugitivement engendrée par la première conférence de Genève.
Tout étranger faisait un peu figure de Martien; il se voyait tout de suite reconnu à son complet, à ses souliers, à sa démarche même. Il pouvait se promener au hasard dans les rues, aborder les passants, mais inutile de compter sur une conversation franche et détendue : on sentait que personne ne s’était fait encore à l’idée que les murs pouvaient n’avoir plus d’oreilles! Et impossible tout à fait de pénétrer, de se faire inviter chez le Russe moyen.
– Ils sont trop mal logés, nous disaient les vétérans de la colonie occidentale, ils auraient honte de vous montrer leur intérieur. Et puis aussi ils ont peur d’être mal vus s’ils s’affichent trop ouvertement avec des étrangers. C’est mieux pour votre santé d’ailleurs, car s’ils pouvaient se laisser aller, vous ne survivriez pas longtemps à leur hospitalité! Au naturel, elle est d’une chaleur et d’une insistance absolument exténuantes!…
Ce que confirmaient les gargantuesques réceptions officielles. Déluges de vodka, de cognac et de champagne du terroir. Tables gémissant sous les montagnes de caviar, le saumon fumé, les jambons, le gibier, les fromages, les fruits.
Derrière la plus grande table, comme à l’abri d’une barricade, on pouvait voir Molotov qui faisait encore de son mieux le vieux diplomate élégant, mais la peau blanche, le teint cireux et un léger tremblement sénile annonçaient clairement la fin de la carrière. Il y avait aussi Lazar Kaganovitch, beau-frère de Staline, les traits rudes sous la maigre couronne de cheveux gris, moustache en broussaille surmontée d’un gros nez busqué, lourde allure de paysan. Il mangeait d’innombrables petits morceaux de pain noir en avalant sa vodka comme de l’eau, et d’une voix éraillée, il proclamait dans un gros rire :
– Eh bien, maintenant, vous le voyez que nous ne sommes pas tous des monstres à deux têtes!
Et Pervoukine, quinquagénaire blond aux yeux pâles et glacés derrière les lunettes à monture d’acier, silencieux, une esquisse de sourire frigide au coin des lèvres minces : le technocrate du régime, disait-on, un homme bâti comme un appareil de précision. Tous héritiers de Staline, et déjà tous éclipsés par Kroutchef, tous, même Malenkof, qui était là également, avec son triple menton, et dans cet océan de graisse des traits étonnamment délicats, les mains fines gesticulant, la bouche mobile souriant, et la mèche noire retombant sans cesse sur le front…
– Malenkof, affirmait le correspondant de France-Presse, c’est le plus intelligent de tous, mais les Russes n’en veulent pas, ils trouvent qu’il n’a pas assez de caractère.
Celui à qui on avait trouvé assez de caractère, pendant ce temps-là, était tout à l’autre bout du pays, dans sa villa de la Mer Noire. On n’avait pas grand espoir de le rencontrer. Puis, un beau soir, l’invitation est arrivée.
« Le boss s’impatiente, dans le sud… »
11 octobre. Téléphone à 5 heures du matin : « Départ avancé d’une demi-heure, soyez dans le hall à 6.15 heures. »
À l’aéroport, dans le petit jour grisâtre, l’avion de l’Armée Rouge, un bimoteur vert-olive, nous a tout juste attendus. À peine la portière refermée, il s’envole avec un dédain tout militaire de ces délais précautionneux qu’affectionne l’aviation civile.
On vole plutôt bas, ce qui permet d’observer le paysage et de voir comme il ressemble au nôtre. Des savanes aux couleurs éteintes par l’automne, des labours qui vont passer l’hiver à « espérer » la semence, des pans de forêt sombres et touffus, et çà et là, isolés le long des routes et des voies ferrées, des villages recroquevillés sur eux-mêmes.
Mais on descend vers le sud. Et peu à peu, la ressemblance s’est atténuée, imperceptiblement les teintes se sont avivées. Les champs qui étaient ternes et comme délavés en quittant Moscou, ont maintenant un air plus chaud, et c’est au milieu de terres bien noires et évidemment opulentes qu’on atterrit à Stalingrad, la ville-héroïne de la dernière guerre.
Une grande ville, entre un demi et un million d’habitants. Les environs sont curieusement vallonnés, renflements de terrain coupés d’abruptes gorges naturelles qui ressemblent à s’y méprendre à des tranchées. Quand on évoque les centaines de milliers d’hommes qui se sont entretués dans ce décor en ’42 et ’43, on s’imagine facilement que c’est le champ de bataille qui est encore là, tout autour. Mais, en entrant dans la ville, on aperçoit l’effort surhumain qui a été fait depuis dix ans pour effacer les traces. Tous les quartiers ont encore cette allure provisoire des campements de reconstruction : rues non pavées, maisonnettes en bois. Seul, le cœur de Stalingrad est à peu près rebâti. On y trouve, comme dans toutes les grandes villes communistes, un souci évident, écrasant, du monumental – vastes squares, bronzes de Lénine et Staline, édifices massifs à colonnades. Et les plus vieux de ces bâtiments tout neufs sont le théâtre, quelques grandes écoles et l’opéra; mais les bureaux du parti communiste régional ne sont encore qu’à l’état d’ébauche…
Devant Stalingrad, la Volga. Large, le fleuve coule paresseusement entre des rives sablonneuses. La Volga, le St-Laurent des Russes, « the mother river », nous dit notre guide d’un ton bien senti. Juste au bord de cette Volga maternelle, d’un parc qui surplombe le va-et-vient incessant des péniches et des remorqueurs, M. le maire, un ingénieur dans la trentaine, nous a résumé l’histoire terrible de sa ville, et nous a fait comprendre pourquoi la rue principale a été rebaptisée à la fin de la guerre « Mir », rue de la Paix.
Et sur la berge basse, il nous désigne du grand geste confiant des transformeurs de pays, au loin la fumée d’une grande fabrique de tracteurs, plus près le site de la future centrale hydro-électrique, et juste en face les approches du pont suspendu qu’on va jeter sur la Volga…
C’est peu après, comme nous allions nous mettre à table pour déjeuner, qu’on est venu nous chercher pour nous reconduire à toute allure à l’aéroport. Et là, en nous remettant un paquet de sandwichs :
– Dépêchons-nous, a-t-on dit, the boss is getting impatient in the South!
Encore trios heures de vol, et nous voici en Crimée Sébastopol, autre vieille cité ruinée par la guerre, complètement rasée, complètement reconstruite en dix ans, tout en blanc et en pastel Riviera. Puis une route à flanc de montagne, avec à droite, en bas, la Mer Noire qui, en fait, est du même bleu-vert glauque que les eaux du Golfe. Partout, des vignobles rouillés par l’automne, des fermes collectives aux bâtiments épars, et une infinité de villas et de maisons de repos, avec des quais et des embarcations, et d’innombrables villégiateurs qui se promènent drôlement dans les rues et sur les plages en pyjamas rayés! Car la Crimée, et aussi le Caucase, c’est la Gaspésie ou la Côte des Russes, le pays des vacances.
À deux pas de Yalta, petite ville d’eau immortalisée par la conférence Staline-Roosevelt-Churchill, voici le repaire de Kroutchef.
Et brusquement, dans le comportement des jeunes Russes qui nous accompagnent, on découvre toute l’importance énorme du personnage. Journalistes, interprètes, guides, ils avaient été avec nous à Moscou, près de Molotof, Malenkof et autres grosses légumes. Mais là, ils s’étaient montrés très détendus, nous laissant fureter sans la moindre nervosité. Ici, au moment d’entrer chez Kroutchef – grande villa carrée, cossue, terriblement bourgeoise! – les voilà tous impatients, presque cassants, le visage fermé, et qui, sur le pas de la porte, s’effacent pour nous laisser passer en refusant de nous suivre; et nous avons beau insister, rien à faire, ils s’en vont, serrés les uns contre les autres, dans le coin de la cour le plus éloigné.
Dans le hall sous un tableau super-réaliste représentant une ferme, deux gaillards en civil dont la carrure d’armoires à glace trahit le métier de gardes-du-corps nous invitent d’un coup de menton à passer au salon. Comme nous y pénétrons, M. Pearson vient d’entrer par une autre porte. Il est en train d’échanger des poignées de mains avec deux hommes, au fond.
Deux hommes en complet gris, qui forment en ce moment le couple suprême et inséparable. Grand et très académicien avec la chevelure qui ondule et la barbiche soignée, élégant comme un vieux mannequin, monsieur Boulganine, premier ministre provisoire, est souriant et silencieux.
Trapu, le crâne rose et lisse comme une boule de billard, l’air d’un paysan mal dégrossi avec son cou de taureau, ses épaules de lutteur, ses grosses mains qui s’agitent sans arrêt, sa voix tonitruante qui coupe toutes ses phrases de rires brefs et bien gras, le veston ouvert, le pantalon informe et tout fripé – c’est Nikita Kroutchef qui parle. Qui parle sans arrêt, avec une truculence et une espèce de verve brutale et sans façon. Mais les yeux gris-bleu sont continuellement aux aguets, vifs, pétillants, et d’une incroyable intensité quand le regard se pose sur vous.
– Ah! Radio… Da, da… Microphone, da, da… Horosho, très bien, très bien…
En m’empoignant par le bras d’une main sans réplique, le maître de toutes les Russies m’entraîne avec mon appareil jusqu’au bout de la pièce, pour que j’enregistre fidèlement la discussion qu’il veut s’offrir avec M. Pearson! Discussion de quelques minutes, échevelée, sans queue ni tête, mais où il parvient tout de même, à force de saillies inattendues et de coups de boutoir, à ébranler au moins la sérénité diplomatique de son adversaire.
Après quoi, caressant le micro d’un air enjôleur, il déclare :
– Vous avez bien pris tout ça, j’espère. Parce que ça, au moins, cette gentille petite machine, ça ne peut pas mentir comme les journalistes!…
Flatté, je me retire. M. Pearson et ses adjoints vont passer toute la soirée et une partie de la nuit à essayer, tant bien que mal, de suivre Kroutchef dans ses attaques, ses contre-attaques, ses sautes d’humeur, son inlassable enthousiasme pour la discussion et la vodka. Ils devront finalement s’avouer vaincus et, le lendemain matin, descendant tout blêmes et les yeux cernés de leurs chambres d’invités de marque, ils grommelleront d’un air indigné
– Il a failli nous rendre tous malades, l’animal! Ces gens-là sont vraiment sans manières!…
[René Lévesque]