Or, sur cette route difficile des rattrapages et des progrès – qui est celle des promesses de notre époque – nous avons tout de même fait quelques étapes, ces dernières années.
Assez du moins pour savoir que la suite ne dépend que de nous et des choix qu’il nous appartient seuls de faire.
Ces étapes se sont amorcées par des mots comme « désormais » et puis « il faut que ça change », et puis « maîtres chez nous », etc.
Les résultats s’en trouvent dans tous les domaines. L’éducation est enfin devenue la priorité numéro un, pour nous comme pour tous les peuples qui veulent « tenir leur rang ». Avec l’hospitalisation, les allocations scolaires et familiales, le régime des Rentes, l’ébauche de l’assurance-santé, nos politiques sociales ont fait plus de progrès en quelques années que dans tout le siècle précédent, et pour la première fois, dans certains des secteurs les plus importants, c’est nous qui avons précédé le reste du pays. En économique, par la nationalisation de l’électricité, la création de la S.G.F.1, de Soquem2, de la Caisse de Dépôts, nous avons posé les premiers jalons de cette maîtrise collective d’un certain nombre d’instruments essentiels faute de quoi aucune communauté humaine ne peut se sentir vraiment chez elle. Nous avons aussi commencé enfin à assainir nos méthodes électorales, à moderniser et renforcer nos structures administratives, à équiper notre territoire des routes indispensables à son développement et à étudier sérieusement les problèmes complexes de nos municipalités désuètes et de nos régions les plus démunies.
Bien sûr, rien de tout cela n’est complet. Ce ne sont vraiment que des étapes préliminaires, exécutées souvent sans les coordinations qu’il aurait fallu prévoir, un peu beaucoup sous la seule dictée des urgences ou des occasions. Tout le long de ce chemin, il y a eu des hésitations, et Dieu sait s’il y en a encore. Dans chacune de ces réalisations, il y a eu des erreurs, il y a des trous – et quoi qu’il arrive, et même quand nous aurons fait cent fois davantage, il y en aura toujours.
Personne ne le fera pour vous
Mais tout cela, en se faisant, nous aura pourtant révélé des choses à la fois simples et révolutionnaires.
C’est d’abord qu’il y a chez nous, en nous, la capacité de faire notre « ouvrage » nous-mêmes, et que plus nous le prenons en charge et acceptons nos responsabilités, plus nous nous découvrons efficaces et capables de réussir tout compte fait aussi bien que les autres.
C’est aussi qu’il n’y a pas d’excuse qui tienne, que c’est à nous seuls de trouver et d’appliquer à nos problèmes les solutions qui nous conviennent, car personne d’autre n’est capable ni sûrement très désireux de les régler à notre place.
C’est encore — et surtout— l’appétit qui vient en mangeant : c’est-à-dire ce phénomène qui se produit partout dès qu’un groupe humain se décide à bouger, et qu’on appelle la « révolution de l’impatience sans cesse croissante (revolution of rising expectations) »…
Il s’agit là du moteur principal dont nous disposons pour continuer d’avancer. On doit en calculer l’emploi aussi précisément que possible, afin d’éviter les embardées trop coûteuses ; mais bien plus encore, on doit prendre garde de ne pas l’étouffer, car sans lui, c’est la catastrophe collective d’une société qui s’immobilise, à une époque où ceux qui cessent d’avancer reculent automatiquement, à un point qui peut être très vite irrémédiable.
Autrement dit, il faut combattre avant tout l’essoufflement, l’envie qui nous vient périodiquement de ralentir, de croire que nous allons trop vite alors que – même si parfois nous y allons un peu de travers – nous ne faisons que commencer à prendre l’allure qu’exige notre temps. A ce point de vue-là, les peuples sont comme les individus: seuls réussissent ceux qui n’ont pas peur de la vie.
Il est bien vrai que nous progrès à perpétuité.
Non seulement tout reste à faire, en effet, mais tout restera toujours à faire aussi loin qu’on puisse voir en avant. A l’horizon, il n’y a que changements et adaptations, et l’espoir que nous aurons la sagesse de bien choisir avec la vitalité et le courage qu’il faut pour avancer sans arrêt en relevant les défis.
1. Société générale de financement
2. Société québécoise d’exploration minière