Mercredi, 26 juillet 1972
La Cité Ardente…
C’est Liège, première ville de Wallonie. Une journée-éclair dans cette métropole de la Belgique francophone. Arrivée à midi et, aussitôt, tout fiers de leur site et de leurs 1000 ans bien comptés d’histoire, des amis liégeois nous font faire le tour du propriétaire. S’élevant au-dessus de la vallée de la Meuse où elle est née et demeure centrée sur les lacets du fleuve, la ville a envahi la couronne de hauteurs qui la surplombent de toutes parts. Une route circulaire offre des points de vue qui seraient spectaculaires s’il n’y avait le brouillard… Arrêt à l’Enclos des Fusillés, qui rappelle le prix que Liège a dû payer pour résister à l’occupation allemande: une vieille dame qui fut elle-même du mouvement nous parle de liberté avec le rauque accent de wallon où l’on perçoit les vieilles racines populaires de cette tenace identité nationale… Avec les 400,000 habitants de son «agglomération», ses innombrables rues et escaliers qui gravissent les pentes abruptes, Liège évoque forcément Québec. Avec 7 ou 8 siècles de plus…
Face au «Perron….
Entre le palais des Princes-Évêques (du temps où Liège fut principauté, aujourd’hui résidence du gouverneur provincial et Palais de Justice) et l’admirable Hôtel-de-Ville qui lui fait face, se dresse le Perron. Une colonne coiffée d’une pomme de pin, symbole à la fois de liberté et d’éternel renouveau. La Wallonie en a grand besoin, car elle souffre non seulement d’être «minorisée» mais de se voir aussi distancée économiquement par la majorité flamande qui profite aux quatre cinquièmes de tous les grands développements des dernières années. Un «ardent» ami du Québec, car tout est vite ardent comme la ville même, nous a fait recevoir à l’Hôtel-de-Ville, où M. le Bourgmestre sert le whisky de l’amitié. Ainsi qu’une ou deux anecdotes scabreuses sur ces princes- évêques qui eurent jadis le malheur de n’être pas héréditaires… même s’ils n’étaient pas stériles! À un moment donné, en effet, s’il y avait eu un prince du sang, Liège serait peut-être demeuré un État… Ne l’étant plus, elle demeure quand même une ville «contestataire» et le foyer principal, sauf erreur, du «Mouvement Wallon».
L’avenir fédéraliste…
Pour un Belge francophone, qui se préoccupe de cette survivance et promotion culturelles dont on englobe les diverses manifestations sous le chapeau global de «Mouvement Wallon», le régime fédéral est présentement l’idéal à atteindre. Ce n’est pas difficile à comprendre. Il y a encore quelque 40 p.c. de francophones en Belgique, et par surcroît ils se trouvent adossés à la France. Dans ce contexte, le fédéralisme constituerait un immense progrès, à la fois une «aération» politique et sociale et une étape marquante sur le chemin de l’avenir. De plus, la notion même de fédéralisme est à la mode, verbalement du moins, dans cette capitale du Marché Commun qu’est Bruxelles. Partant de certaines préoccupations fondamentales qui sont identiques, mais dans un tout autre contexte, nous devons quant à nous sortir au plus vite de notre vieux fédéralisme pour accéder à l’indépendance politique. Voilà le genre d’analogie — contraste qui rend tout passage par la Belgique aussi délicat que fascinant…