Source : France Nadeau, «“Interview” René Lévesque intime…», dans L’Actualité, mars 1980, p. 9-10, 13 et 68.
Jamais un premier ministre du Québec n’aura été aussi connu que René Lévesque. En apparence du moins. Car si le journaliste vedette, puis le politicien, nous est devenu de plus en plus familier avec les années, l’homme est toujours resté discret, effacé. Dans cette entrevue étonnante, René Lévesque se laisse découvrir. (L’interview a été réalisée par France Nadeau de Cime MF.)
L’Actualité : René Lévesque, est-ce que le journalisme vous manque?
R. Lévesque : Oui. J’espère bien y revenir. La politique est arrivée en partie par accident. Je n’ai jamais été un grand planificateur de carrière. Je suis tombé en politique, littéralement, en sortant du journalisme en 1960. Il y avait d’abord le fait qu’à force d’être observateur, on finit par avoir une espèce de nostalgie de l’action. On finit par être tanné de dire voici ce que les autres font, voici ce que j’en pense, etc, de se sentir un peu marginal. Il avait aussi le programme libéral de l’époque qui me paraissait respectable, et non des promesses en l’air, Je suis entré en politique un peu parce que l’on me l’avait demandé, et un peu aussi parce que je sentais que je deviendrais frustré si je ne travaillais pas un peu dans ce domaines. Je m’étais dit : si on est élu, on verra. On a été élu. Là, je me suis dit : deux mandats, et puis je vais retourner à mon métier. Mais on a été battus en 66, avec M. Lesage. Puis, une année entière de réflexion a débouché sur ce qui est devenu le Parti Québécois. Les gars du groupe m’ont dit: «Puisque tu es le mieux connu de nous on n’embarque pas si tu n’embarque pas.» C’était une sorte de chantage normal, légitime. Ça va faire 20 ans l’an prochain… J’espère bien un jour, avant trop longtemps, pouvoir retourner faire du journalisme. J’ai l’impression que l’expérience acquise en cours de route devrait pouvoir être utile…
L’Actualité : Vous pensez au journalisme écrit ou à la presse électronique?
R. Lévesque : Oh je m’en fiche! L’un ou l’autre. J’ai fait les deux tant bien que mal…
L’Actualité : René Lévesque, est-ce que le journalisme vous manque? Mais vous vous ennuierez peut-être du pouvoir. . .
R. Lévesque : Le pouvoir, c’est excitant, parfois. C’est très déprimant aussi, et parfois très très décevant. On arrive avec cette idée que la machine administrative et législative va pouvoir réagir rapidement et que les choses vont pouvoir se faire efficacement. Puis on s’aperçoit que les rouages sont faits de telle sorte que l’on ne puisse pas trop improviser. Il y a quelque chose de sage là-dedans.
L’Actualité : Actuellement, le pouvoir est décevant ou excitant?
R. Lévesque : Les deux en même temps. Non. Cela dépend des jours, cela dépend des semaines. Quand ça va bien, on dit «ça déboule!», mais il faut savoir que 15 jours ou trois semaines plus tard, on va probablement tous sacrer. Parce que ça n’avance pas sur autre chose, ou que l’imprévisible est arrivé qui complique tout. C’est toujours les montagnes russes…
L’Actualité : Êtes-vous facilement désabusé?
R. Lévesque : Pas facilement, mais à l’occasion, oui. Pour vous donner un exemple, Dieu sait que l’élection de 70 a été dure à prendre! Je ne l’ai pas prise. La fatigue, parce que c’est toujours tuant une campagne électorale. Puis avaler la défaite, y compris ma défaite personnelle… Mais en 15 jours, trois semaines, c’était pas mal réglé. En 73, cela a été plus dur. Cela m’a pris au moins 4 ou 5 mois avant d’avoir le goût de foncer à nouveau. J’avais même offert aux gars du parti de passer la main.
L’Actualité : Qu’est-ce qui est plus difficile à accepter dans une défaite?
R. Lévesque : Je n’ai jamais essayé d’analyser cela. Ce n’est pas que ce soit humiliant. . . Quand tu as fait ton boulot le mieux possible, que tu as essayé de voir le plus de gens possible, que tu as essayé de les convaincre de ton mieux, ce n’est pas humiliant de manquer son coup. D’abord on est toujours vidé après une campagne, donc il y a déjà une sorte de décompression assez pénible. Il y a une sorte de déception que l’on finit par revivre sur soi-même : si on n’a pas réussi à convaincre les gens, c’est de sa faute. Alors on analyse et puis on ré-analyse. C’est assez pénible.
L’Actualité : Vous êtes un homme d’action. En général, les hommes d’action n’ont qu’un seul intérêt.
R. Lévesque : Mais non! Il y a de la place pour autre chose. S’il ne reste plus de place, je crois que l’on devient stérile, et rapidement! L’action ce n’est quand même pas 24 heures par jour, sept jours par semaine. Il faut absolument en sortir. Plus elle est intense, plus il faut se ménager des pauses, sinon on devient absolument inefficace.
L’Actualité : Croyez-vous en Dieu?
R. Lévesque : Sur le fond. Au-delà de ce que l’on va vivre, il doit y avoir un prolongement. C’est une sorte d’instinct naturel. On n’a pas besoin de philosopher longtemps pour y croire ou ne pas y croire : c’est un pari. Moi, j’aime autant prendre le pari d’y croire. Je ne peux pas aller plus loin. Je n’ai rien contre ce qu’on nous a appris ou essayé de nous faire croire dans le temps, mais je ne peux pas l’avaler. Mais croire que l’on puisse émerger dans une autre dimension qui aille plus loin que les trois petits tours que l’on fait ici-bas, ça oui…
L’Actualité : Vous voyez-vous réincarné sous une forme quelconque?
R. Lévesque : Je n’ai pas de préférence. Évidemment, vu que je fais de la politique, les gens peuvent penser que les politiciens méritent d’être punis, mais je ne voudrais quand même pas revenir en ver de terre ou quelque chose comme cela!
L’Actualité : Les politiciens méritent d’être punis?
R. Lévesque : Qu’est-ce que vous voulez! Leur image n’est pas la meilleure de la société. Vous avez vu les sondages et les analyses? Au pouvoir ou pas au pouvoir, c’est une image négative globale. Malheureusement, cela reflète peut-être un peu beaucoup le jugement des citoyens : la cote des politiciens est assez basse. Celle des syndicalistes ou celle des journalistes n’est guère mieux, je pense. Simplement peut-être parce que ce sont des métiers très visibles dans la société, on est peut-être plus exigeant pour eux que pour d’autres. Et ils n’arrivent parfois pas à la hauteur de ces exigences.
L’Actualité : Vous avez été journaliste et vous voilà homme politique; vous êtes condamné à avoir une image un peu ternie…
R. Lévesque : Oui, et je n’y peux rien. Dans l’image globale que l’on fait de ces deux emplois, règle générale, une espèce de crédibilité est très difficile à maintenir. Moi, je me suis toujours fait (j’avais appris cela comme journaliste et je pense que cela s’applique aussi en politique) une règle : non pas de dire tout, car on ne peut jamais dire tout ce que l’on pense parce que l’on s’entretuerait, mais au moins ne jamais dire le contraire de ce que je pense. Avec cela, on réussit à vivre…
L’Actualité : Est-ce que l’image que l’on peut avoir de vous vous dérange? Ou est-ce que vous vous êtes fait une carapace?
R. Lévesque : On n’est jamais complètement blindé. La seule chose qui me dérange vraiment, c’est une sorte de, je ne dirai pas d’injustice cela serait excessif, mais de déformation systématique. Et qui ne vient pas nécessairement des adversaires, mais aussi des journalistes qui font mal leur travail, cela arrive dans tous les métiers, et qui déforment ou qui faussent des choses que l’on fait ou que l’on a dites. Cela me met le feu encore! C’est peut-être aussi mon fond de journaliste professionnel qui remonte à ce moment-là. Je me dis : « Pourquoi ils ne sont pas capables de dire la simple vérité? » Cela me brûle encore! Le reste, on s’habitue . . .
L’Actualité : Est-ce que vous fumez moins qu’avant?
R. Lévesque : Je l’espère, mais je n’essaie pas de vérifier. Je n’ai jamais voulu – peut-être que cela me ferait peur – essayer de voir combien de paquets de cigarettes j’ouvrais par jour. Ça doit être autour de deux, deux et quelque chose.
L’Actualité : Avez-vous déjà essayé d’arrêter?
R. Lévesque : J’ai vu quelques échos, des recherches sérieuses sur le fait que finalement cela ne fait pas tant de mal que ça. Une étude laissait entendre que l’effet toxique du tabac pouvait être relié jusqu’à un certain point à l’intensité du stress. La vraie maladie de notre époque, c’est le stress. C’est-à-dire que si tu es trop stressé peut-être que certaines choses t’affectent négativement beaucoup plus que si tu l’es moins.
L’Actualité : Vous aimez beaucoup les enfants?
R. Lévesque : J’adore les enfants! J’ai toujours dit que j’ai un succès fou avec les femmes : pas de problèmes, jusqu’à l’âge de huit ou 10 ans… Passé cet âge-là, je fais ce que je peux, évidemment, un peu comme tout le monde… Là où je peux presque être arrogant, c’est jusqu’à 8-10 ans.
L’Actualité : Vous avez un succès extraordinaire avec les femmes.
R. Lévesque : Non, cela n’est pas vrai. Écoutez, il y a un succès dans certains emplois dans la vie… Je vais vous donner un exemple extrême. Quand j’étais étudiant à Québec, au début de la guerre, il y avait beaucoup de navires de guerre et des bataillons de matelots et d’officiers qui se promenaient. Il n’y avait plus moyen de voir une fille libre parce qu’elles étaient attirées, je ne devrais pas dire cela dans une période féministe comme aujourd’hui, mais elles étaient attirées par l’uniforme et aussi par cette idée du combattant, qui est à la fois le danger et la protection. Il y a certains emplois qui impliquent aussi des défis et qui exercent un certain attrait….
L’Actualité : Comme le pouvoir?
R. Lévesque : C’est vrai. Il y a aussi l’intérêt naturel que les gens peuvent avoir les uns pour les autres. La seule chose que je me reconnais, je le dis pour les hommes qui n’y auraient pas pensé, c’est que ce qui est intéressant entre l’homme et femme, d’un point de vue masculin, c’est de s’intéresser à la femme en tant que femme et personne. Autrement dit, moi, j’ai toujours trouvé plus d’intérêt à rencontrer des femmes que des hommes. Les hommes, tu les vois venir beaucoup plus, tandis que pou les femmes, il me semble qu’il y a toujours une sorte de mystère, d’imprévu qui est en soi attrayant.
L’Actualité : Des gens disent qu’à l’époque où vous étiez à Radio-Canada, vous vous preniez pour Don Juan…
R. Lévesque : J’étais très jeune quand je suis arrivé à Radio-Canada, après la guerre; j’avais 23 ou 24 ans. C’est un âge où il me semble qu’il faut voir à quel point on peut réussir. On arrivait de la guerre. Certaines conquêtes… Le mot s’applique bien. Cela, c’est normal, je pense. Qui est-ce qui n’est pas passé par là? Don Juan, c’est quand même un peu excessif. Vous avez lu Don Juan, vous? C’est grave son affaire, lui. Il y a une période de la vie où on est tous pareils; je pense que c’est vrai pour les femmes aussi. On essaie ses armes ou enfin ce que l’on a comme arsenal, c’est normal . . .
L’Actualité : Comment êtes-vous devenu correspondant de guerre?
R. Lévesque : Ça ne me tentait pas d’entrer dans les forces de Sa Majesté, et puis de me faire dire : « Marche par-ci, marche par-là » en anglais. Comme c’était la même guerre pour tout le monde, je suis allé aux États-Unis où Pierre Lazareff, un grand journaliste français, recrutait pour l’Office of War Information. Vu que j’étais bilingue, ils m’ont pris et je suis parti en uniforme américain. Tant qu’à me faire parler en anglais, j’aimais autant que ce soit dans un autre pays que le mien….
L’Actualité : Vous étiez présent quand le maréchal Goering s’est rendu aux Américains. Comme cela s’est-il passé?
R. Lévesque : C’était plutôt banal. On raclait la fin de la guerre, on raclait, littéralement, le sud de l’Allemagne. À un moment donné, sortant littéralement des buissons, arrive un gros monsieur avec plein d’épaulettes. Ça nous a pris quelques secondes – on était une patrouille – avant de comprendre. Bon Dieu! Il ressemble à quelqu’un… Il s’est avancé au milieu de la route devant la première jeep. On a arrêté, on l’a entouré, puis on a découvert que c’était Goering qui se prenait encore pour Goering! Ça n’a pas été long que c’est devenu brutal. C’est brutal la fin de la guerre… Un officier-commandant de la patrouille lui a arraché ses épaulettes, l’a assis brutalement au pied d’un arbre puis a fait venir la police militaire pour que l’on aille le conduire en lieu sûr…
L’Actualité : Est-ce qu’il vous est arrivé d’avoir peur?
R. Lévesque : Ah oui! Tout le temps. Pour cela on n’a pas beaucoup de mérite. Quand tu arrives en première ligne avec une unité en temps de guerre… C’était peut-être plus vrai en Corée parce que c’était un guerre de patrouille; ce qui veut dire que l’on était toujours perdus en petit nombre dans une sorte de no man’s land. On risquait de se faire entourer, mais on finissait toujours par s’en tirer parce qu’il y avait des renforts qui pouvaient venir. On était mieux équipés en hélicoptères que les Chinois. Mais il reste que tu as toujours peur, forcément, un peu. C’est plus une question physiologique qu’autre chose. J’ai vu des gars qui arrivaient pour la première fois dans l’unité de première ligne, qui vomissaient en entendant les premières explosions ou siffler les premières balles. Personne ne les blâmait. Quand c’était incontrôlable, ils étaient renvoyés en arrière à d’autres emplois. À l’occasion tu ne peux pas t’empêcher d’y penser. Puis on se dit toujours ce sera pour les autres, ce ne sera pas pour moi…
L’Actualité : Un jour, vous avez été sauvé d’une noyade par une femme…
R. Lévesque : Oui, c’est vrai. Je me suis noyé. J’avais 6 ou 7 ans, je commençais à nager, je nageais assez bien mais à cet âge-là on est toujours porté à s’imaginer qu’on est meilleur qu’on l’est en réalité. Il y avait un très gros courant alors j’ai été emporté par le courant. Puis là, j’ai commencé à boire la tasse, véritablement. Je me suis évanoui complètement, il ne me restait plus qu’à crever : il y a une pression qui monte parce que tu avales, ça bloque la respiration et le peu de temps où il reste un peu de conscience, la pression fait que tu vois toutes sortes d’images. Pas des images réelles, plutôt du surréalisme, des images pleines de couleurs, comme un kaléidoscope, ça passe vite puis ça devient de plus en plus aigu vers le bleu, le rouge, etc. Puis tout à coup, tu n’es plus là. Je me suis réveillé sur le sable quelques minutes plus tard, c’était la plus jolie fille de la plage qui était venue me sauver.
L’Actualité : Alors se noyer, c’est un peu euphorique?
R. Lévesque : On n’a pas beaucoup le temps d’être angoissé. Il y a une sorte d’euphorie de couleurs et de spectacles, mais la pression est pénible. On ne peut pas dire qu’il y a des douleurs terribles. Je comprends que les gens puissent se dire – s’ils ont un peu su ce que c’était, comme moi – que c’est peut-être pas la pire des morts . . .
L’Actualité : On a toujours dit que vous êtes un homme très très secret. Est-ce vrai?
R. Lévesque : Secret, oui. On a tous, par rapport à nos émotions, une zone qui nous appartient et que l’on doit protéger. Pour ce qui est de la vie de tous les jours, je ne vois pas pourquoi on serait secret… Mais mes émotions, il me semble que cela m’appartient.
L’Actualité : Vous êtes, paraît-il, un homme extraordinaire dans une maison…
R. Lévesque : C’est vrai. Mais je n’ai jamais compris pourquoi on serait autrement… Je vais vous donner un exemple : aujourd’hui, il y a les lave-vaisselle, ça me frustre! Moi, j’aimais ça la vaisselle! C’est un travail mécanique, pas pénible, qui te tient debout, qui te fait bouger un peu quand même quand on sort de table, au lieu d’aller tout de suite s’écrabouiller quelque part avec un livre ou devant la télévision. J’ai toujours trouvé que c’était un travail qui permet de penser, de parler, de placoter et qui ne dérange absolument rien d’autre.
L’Actualité : Vous aimez vivre la nuit?
R. Lévesque : Oui, le soir tard ou la nuit. Je pense que c’est congénital. Il y a ces animaux qui se lèvent vers 6 ou 7 heures, qui commencent à chanter et à dire qu’il fait beau et que la vie est belle, etc. Et toi, tu as envie de les tuer parce que tu n’es pas du tout réveillé. Ce sont les mêmes qui vers 10 heures de soir vous dorment en pleine face pendant que vous voudriez continuer. On vient au monde comme cela. Ma mère me disait qu’il fallait littéralement me jeter en bas de mon lit pour me réveiller le matin et m’attacher pour me coucher le soir. Il y a une sorte de communication qui s’établit la nuit… Oui, c’est plutôt bizarre. Comme on dit souvent, c’est à partir de minuit qu’on commence à discuter de l’existence, de Dieu en général, puis des choses comme cela… Il y a un climat spécial le soir, la nuit, qui est difficile à définir, mais dans lequel je me retrouve plus facilement qu’en essayant de plonger au cœur de tous les problèmes à 7 heures du matin. Là j’ai beaucoup plus de difficulté!
L’Actualité : On a toujours prétendu que vous étiez joueur…
R. Lévesque : Non. Sauf juste après la guerre. C’était dans la période de la décompression… On avait un cercle de journalistes et techniciens de Radio-Canada qui faisait des parties de cartes absolument invraisemblables! Elles commençaient parfois le vendredi à 5 heures et filaient jusqu’au lundi matin. Celui qui allait se coucher faisait signer un papier par celui qui le remplaçait à la table : « Quand je reviendrai, je reprendrai ma place ». C’était effrayant! J’ai vu des gars perdre leur chèque de paye. Je pense que cela m’est arrivé, mais moins souvent qu’à d’autres; il y des joueurs qui jouent mal ou qui sont toujours malchanceux… Mais ça fait longtemps. J’aime encore beaucoup jouer aux cartes quand j’ai l’occasion. Je trouve qu’il y a une sorte de tension constamment renouvelée quand on joue. Cela fait vraiment une détente, on change le mal de place…
L’Actualité : Une tension crée une détente?
R. Lévesque : Mais oui! Si on joue aux cartes un petit peu sérieusement, ça concentre complètement; ce qui fait que tout le reste est éliminé. C’est comme les vacances… Si vous allez en vacances pour vous écraser et ne rien faire, je ne pense pas que ce soit l’idéal. Il faut changer de décor, puis changer d’occupation : faire des choses qu’on n’a pas eu la chance de faire, du sport, de la lecture, etc. Faire ce qu’on n’a pas eu le temps de faire pendant les mois de travail.
L’Actualité : Qu’est-ce qui vous irrite le plus chez les êtres?
R. Lévesque : Il n’y a qu’une chose, vraiment fondamentale, ce que j’appellerais la fausseté. C’est-à-dire les gens à double ou à triple fond à qui on ne peut pas se fier…
L’Actualité : Avez-vous peur de vieillir?
R. Lévesque : Non. J’ai peur d’une chose, une sorte d’angoisse normale – j’aime autant ne pas y penser trop – devant la diminution qui, à un moment, devient excessive dans la vieillesse. Je n’aimerais pas finir comme un légume, incapable de faire quoique ce soit. Mais de vieillir en soi, non : avancer dans la vie puis de se dire : « Bon, il y a une limite à cela », non. Vieillir, au sens où les années passent et que l’on se sent convenablement en forme, moi je n’ai rien contre…